A la recherche d'un bateau pour l'ile de la tortue

Nombre de messages : 15 Date d'inscription : 10/03/2007

Trois heures du matin. Chris lève une paupière fatiguée, puis l’autre, puis les referme toutes les deux à la fois. Il est trop tôt se dit-il, bien trop tôt encore, il fait nuit, il peut encore rester à somnoler quelques minutes. L’aventure l’appelle mais là, ce qui le retient c’est son lit douillet.

Alors il se retourne contre le mur et cherche à se rendormir. A l’extérieur, un chien aboie, quelques pas sur les pavés puis plus rien.

Mais ces quelques bruits de la nuit ont suffit à le réveiller, alors il est trop tard, il n’a plus qu’à se lever. Il fait froid dans la chambre, le poêle s’est éteint et les domestiques ne viendront le rallumer qu’une heure avant que la maisonnée s’éveille, c'est-à-dire dans trois heures au plus tôt.

Il a tout préparé pour le grand voyage. Tout est dans son armoire, bien cachés sous une pile de linge, invisible à qui ne sait pas. Il en retire un pantalon de cotonnade, une chemise crème et son bandeau noir. Il a dû confectionner lui-même ce dernier attribut, et il n’est pas peu fier de son œuvre.

Il s’habille rapidement dans le silence, puis récupère le baluchon qu’il a préparé la veille et caché sous son lit. Inutile de vérifier son contenu, il l’a déjà fait maintes et maintes fois avant de se coucher.

Il prend enfin le bandeau qu'il a posé sur le lit, puis le met au fond de sa poche.

Il est l’heure maintenant, l’heure de dire adieu à tout ce qu’il a connu depuis sa naissance, de fermer la porte de sa chambre, et de partir vers l’inconnu.

La nuit le surprend, c’est la première fois qu’il s’aventure dans les ruelles sombres alors que le soleil n’est pas levé. Il a peur et serre ses maigres affaires contre lui tout en avançant d’un pas tremblant. Quelquefois il se retourne sur un bruit insolite, un chat qui bouscule une poubelle, un mendiant qui se retourne dans son sommeil et son cœur bat de plus belle.

Le voilà qui débouche sur les quais, un peu déboussolé, ne sachant comment faire. Il est venu la veille traîner déjà près des bateaux mais il n’a pas osé parler aux marins affairés. Maintenant il est là et il n’a plus le choix.

Il faut qu’il trouve comment traverser les mers et aller à l’île de la tortue, le refuge des pirates. Il reste quelques instants immobile cherchant des yeux âme qui vive, priant pour tomber sur le gars sympa qui l’y mènera gratuitement. Malheureusement il est loin de pouvoir rétribuer le service qu’il va demander autrement que par son travail inefficace, car il n’a jamais travaillé de ses mains jusqu’à présent.

Une silhouette se dessine sur un petit bateau qui ne paye pas de mine. Il s’en approche un peu inquiet et surtout très timide. Sa voix fluette traverse la nuit.

« Monsieur ? Excusez moi de vous déranger. Vous êtes propriétaire de ce bateau ? »

Il avance d’un pas et essaye de percer la nuit, pour voir dans l’ombre à qui il s’adresse ainsi.

Nombre de messages : 9 Date d'inscription : 18/03/2007

Affairé au contrôle des marchandises embarquées et de l'état du navire, Jack Traver, capitaine du petit navire "le goéland" ronchonnait, et son hibou blanc sautillait d'une patte à l'autre en poussant des coassements bizarres.

Il s'était levé très tôt et n'avait presque pas fermé l'oeil de la nuit, ce qui l'avait mis de fort mauvaise humeur.

Il avait tout juste terminé de compter les tonneaux de vin, et s'apprêtait à vérifier l'état des coques lorsqu'une petite voix l'interpella sur le quai. Ronchonnant de plus belle, il descendit du navire, et découvrit un gamin aux cheveux blonds et longs, un baluchon sur l'épaule, et habillé comme s'il sortait d'une de ces maisons de la haute noblesse, dans des vêtements très propres.

Hassant un sourcil, il répondit d'un ton sec

"Qu'est ce qu'il y a gamin? tu vois pas que je suis occupé?

Oui, je suis bien le capitaine de ce bateau, si on peut appeler ca un "bâteau". Il est presque croulant, et c'est tout juste s'il navigue assez vite. Mais tu vois, à force de me faire piller, je n'ai presque plus de sous, et pas les moyens d'en racheter un autre!

Bon qu'est ce que je peux faire pour t'aider? Tu cherches quelqu'un ou quelque chose?"

Nombre de messages : 15 Date d'inscription : 10/03/2007

Chris recula de quelques pas en voyant le hibou sur l’épaule de l’homme qui était descendu sur les quais à son appel.

Un réverbère à côté permettait de mieux discerner ses traits. Il semblait d’âge moyen, fort bien habillé mais visiblement bien mal luné de si bon matin.

« Oui j’ai besoin d’un bateau, je voudrais aller…. »

Il s’arrêta et regarda autour de lui pour s’assurer qu’ils étaient bien seuls. Cette vérification effectuée, il s'approcha au plus près de l'homme et souffla d'une voix presque inaudible.

« Sur l’île de la tortue » .

« Je veux venger mon père que ces pirates qui pillent les mers ont tué de sang froid. Ma mère est morte de chagrin et maintenant que je suis seul au monde, je n’ai plus rien à perdre. Ils paieront ! »

dit-il en appuyant son mensonge d’un regard de haine.

« En échange, je peux vous aider à réparer votre bateau et je suis bon moussaillon. »

Nombre de messages : 9 Date d'inscription : 18/03/2007

L'homme écouta la demande du jeune garcon. Lorsque celui-ci prononca les mots "île de la tortue", le capitaine eu un mouvement de recul, et lanca un regard furieux au jeune garcon

"Où donc as tu été élevé, jeune sot? Non, je ne t'emmenerai pas sur cette île, pas pour tout l'or du monde, car je tiens à ma vie!

Ne sais tu donc pas, ignorant, que les pires forbans de ces mers sont sur l'île de la tortue? Aucune personne autre qu'un pirate ne peut y accoster, et surement pas un anglais!

Non, aucun navire ne t'emmenera là bas, si ce n'est un navire pirate! Et si c'ets ce que tu comptes devenir, sache que tout ce quei tu récoltera, ca sera la corde ou douze balles dans la peau!

Et maintenant, hors de ma vue, avant que je ne te dénonce aux autorités!"

Joignant le geste à la parole, il chassa le jeune garcon du bras, et remontant sur son navire en grognant, il murmura

"Tous des inconscients, ces jeunes sots de nobles!"

Nombre de messages : 15 Date d'inscription : 10/03/2007

Avant que Chris n’ait pu faire un geste le marin était déjà retourné sur son rafiot délabré. Il ouvrit la bouche pour protester mais il savait qu’il perdrait son temps. Cet homme était de mauvais poil aujourd’hui, il n’arriverait pas à en tirer une quelconque aide.

Il resta sur le quai un long moment espérant que le port s’animerait avec le lever du soleil mais il était encore très tôt et seuls quelques pêcheurs seraient levés à cette heure ci.

Il décida alors de marcher un peu, et parti au hasard en espérant faire une rencontre inespérée.

Au bout du quai, il y avait une petite échoppe où l’on trouvait des denrées de toutes sortes, des filets de pêches, des barques, des hameçons, tout l’attirail d’un bon pêcheur.

Il regarda la vitrine poussièreuse un instant puis continua son chemin dans les ruelles sombres de la ville.

Tout en marchant il réfléchissait au moyen d’atteindre cette île si lointaine. Il n’avait pas un sou en poche. Si ! Quelques shillings qui ne lui permettraient pas de subsister plus de deux jours.

Il devait absolument trouver un capitaine qui voudrait bien l’accueillir à son bord. C’est en pensant cela qu’il eut l’idée qui le cloua sur place. Au milieu de la rue, il s’arrêta, resta immobile quelques secondes puis rebroussa chemin en courant.

Il arriva sur les quais et fonça directement vers le bateau de l’anglais. A portée de vue, il s’arrêta et se cacha. Il se disait qu’il y a avait un faible espoir qu’il quitte son navire. Alors il pourrait se glisser furtivement à l’intérieur et puis après et bien après il verrait.

Nombre de messages : 9 Date d'inscription : 18/03/2007

Après quelques longue minute, le capitaine sorti de la cave du navire, et descendant sur le quai, partit vers quelques tonneaux situés à quelques mètres de là. Il ronchonnait toujours, et semblait impatient.

Au bout de quelques minutes, une silhouette apparue dans le noir, ce qui empêcha de voir de qui il s'agissait. Le capitaine entamma alors une discussion avec le nouvel arrivant, et semblait fort interessé, au point de négliger toute surveillance de son navire ou des marchandises sur le quai.

l'affaire devait être à coup sûr importante, d'autant que par moment, le ton montait. Il semblait que l'on parlait de prix, et les sommes devaient être faramineuses pour que les deux hommes s'entretiennent aussi vivement...

Un moment, l'inconnu tendit un papier au capitaine. celui ci le lit soigneusement, semblant revenir plusieurs fois en arrière. Puis il releva la tête, mais étant de dos aux quais, personne ne pouvait voir son regard. Il prononca alors quelques mots à voix basse, qui se finir par un étranglement.

L'étranger reprit alors le papier, sembla griffoner dessus avant de le rendre au capitaine, puis les deux hommes reprirent la conversation

Nombre de messages : 15 Date d'inscription : 10/03/2007

Chris commençait à trouver l’attente longue. Il cherchait à percer l’obscurité depuis déjà de longues minutes mais en vain. Aucun mouvement, aucun son, aucun signe de vie. Il commençait à cligner des yeux involontairement, fatigué de cette attente infructueuse

Assis à genoux derrière un tas de cageots qui traînaient sur le quai, il commençait à avoir mal aux rotules et à perdre patience. Il allait se lever et quitter à regret son poste d’observation lorsqu’un bruit le mit en alerte.

Le capitaine du petit rafiot, toujours aussi grognon, venait de descendre sur le quai et de s’éloigner de quelques pas du bateau convoité. Chris resta quelques instants à surveiller le lascar qui s’était arrêté près de quelques tonneaux.

Il vit un autre homme arriver et commencer une discussion qui semblait mouvementée. Il profita de ces moments d’inattention pour agir. A la faveur de la nuit, il se glissa furtivement vers le petit bateau resté sans surveillance.

A un moment, il entendit des éclats de voix et cru être repéré. Il stoppa net sa progression et regarda vers le petit groupe l’air apeuré. Mais les deux lascars continuaient leur discussion sans faire cas de lui.

Il les regarda quelques instants, se demandant quel pouvait être le sujet de leur conversation. Certainement un marché qu’ils passaient et, à voir l’expression des deux comparses, la situation semblait tourner à l’avantage du capitaine du bateau.

Mais il n’était pas là pour se mêler de ce qui ne le regardait pas. Son but c’était de partir de cette ville pour rejoindre les pirates, pas de mener une enquête sur les activités douteuses d’un petit capitaine obscur et sans avenir.

Il grimpa à l’échelle de corde qui battait le flanc du bateau et se hissa sans bruit jusqu’au pont. Le bateau était petit, il serait dur de s’y cacher mais il repéra très vite à l’arrière du rafiot une bâche posée à même le sol.

Il s’avançait prudemment vers elle se disant que cela pourrait être une bonne cachette quand il entendit le capitaine revenir. Sans plus hésiter il se glissa sous la toile, le cœur battant et resta immobile dans le noir.

Nombre de messages : 9 Date d'inscription : 18/03/2007

Le capitaine, après un dernier moment de discussion houleuse, finit par se calmer, et ronchonnant, saisit un papier que lui tendait l'individu. Puis ils se séparèrent, et le capitaine revint à son bord. Trois matelots l'attendaient sur le pont. Ils discutèrent tous les quatre avant de monter à bord.

Il y eut alors une frénésie nouvelle chez les quelques matelots présents. chacun s'activait aux quatre coins du navire, sous les ordres de Jack Traver.

"Tendez ces cordes! Allez!

Toi là, occupe toi d'aider ces gens à charger les caisses. Et fait y gaffe!

Et toi, dégage moi le pont de ces tonneaux et de ces bâches! Aller du nerf!"

Les marins commencèrent alors à embarquer des caisses, de nombreuses caisses qu'ils emmenaient tout droit à la cale.

Pendant ce temps un autre matelot s'occupa comme l'avait demandé le capitaine de nettoyer le pont des objets encombrants. Il déplaca les tonneaux, les cordes et les bâches.

Lorsqu'il arriva à celle ou s'était réfugié le jeune garcon, il la saisit à bout de bras, et croyant qu'il s'agissait d'un paquet enveloppé, emporta la couverture avec à l'intérieur le garcon. Il l'emmena alors dans la cale arrière, où il jeta le tout avant de repartir sur le pont, là où les ordres du capitaine se faisait toujours plus pressants.

[HRP: suite https://pavillonrouge.forumactif.com/En-haute-mer-c2/Le-goeland-f29/La-cale-t69.htm]